L’Origine du silence, de Jed Rubenfeld

Signé Bookfalo Kill

Avez-vous déjà entendu parler de l’obusite ? Saviez-vous que, durant la Première Guerre mondiale, Marie Curie avait financé des petits véhicules, conduits par certaines de ses collaboratrices – surnommées les “petites Curie” –, transportant des instruments de radiologie afin d’aider les chirurgiens à mieux opérer les blessés ? Non, moi non plus. Cela fait partie des nombreuses choses que l’on apprend au détour des pages de L’Origine du silence, thriller historico-psychologique aussi instructif que palpitant.

New York, 1920. La Première Guerre mondiale est passée par là, changeant à jamais la face du monde. Ancien disciple de Freud, Stratham Younger est revenu de tout : de la psychanalyse, en laquelle il ne croit plus, comme des champs de bataille français, où il s’est brillamment illustré en tant que médecin. Il en a aussi ramené Colette, une jeune scientifique française, élève de Marie Curie, et son petit frère Luc, un garçon de dix ans atteint d’aphasie.
En compagnie de Colette et de l’inspecteur Littlemore, Younger est témoin d’un terrible attentat, l’explosion d’une charrette piégée juste devant Wall Street, au moment où les employés du célèbre quartier des finances envahissent les rues pour aller déjeuner.
C’est le début d’une enquête complexe – dont je ne dirai rien de plus, parce que ce serait trop long, sans parler de vous gâcher le plaisir de cet excellent polar.

Sérieusement documenté, Rubenfeld ne cède jamais à la facilité des clichés, toujours risquée quand on mêle l’Histoire à un roman, et nous entraîne de Washington et ses sombres arcanes du pouvoir, à l’Autriche – où l’on retrouve l’incontournable Freud – en passant par la France. Son travail de reconstitution est aussi solide que discret, l’auteur privilégiant sans cesse l’avancée de son intrigue à la tentation d’étaler ses connaissances, mais usant avec intelligence de ces dernières pour développer son histoire. Une réussite digne de Caleb Carr, auteur de la référence en matière de thriller psychologique : L’Aliéniste, et dont Rubenfeld apparaît comme le meilleur héritier.

Puis l’on retrouve avec plaisir son ton si particulier, avec ses petites touches d’humour et de légèreté toujours bienvenues, dont l’inspecteur Littlemore est l’incarnation parfaite. Débarqué presque en catimini au milieu de L’Interprétation des meurtres 1, avant d’en devenir le personnage le plus marquant, il trouve ici une place digne de son envergure. A ses côtés, les autres personnages, anciens ou nouveaux, héritent tous de personnalités – attachantes, mystérieuses ou répugnantes – qui donnent envie de les retrouver au fil des pages.
Pages que l’on tourne à grande vitesse jusqu’à la fin et sa cascade de révélations, certaines parfois osées… Mais qu’importe, car Rubenfeld ne dépasse jamais les bornes de l’improbable, et son talent est tel que tout passe.

Bon, sinon, vous avez compris que c’était un coup de cœur, oui ? Sachant qu’en plus, on peut lire ce roman sans avoir lu le précédent, vous n’avez plus aucune excuse, foncez !

L’Origine du silence, de Jed Rubenfeld
Éditions Fleuve Noir
ISBN 978-2-265-09253-2
568 p., 20,90€

1 Dans l’Interprétation des meurtres, Stratham Younger, jeune psychiatre disciple de Freud, avait l’honneur de recevoir son mentor lors de l’unique visite que ce dernier fit aux Etats-Unis, en 1909, accompagné de Carl Jung. Alors au début d’une dispute intellectuelle qui les verraient devenir penseurs ennemis un peu plus tard, les deux éminents psychanalystes se retrouvaient mêlés à une sordide affaire de meurtres, où leurs talents s’avéraient précieux pour aider à la résolution de l’enquête menée par l’iconoclaste inspecteur Littlemore.

 

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2 Réponses

  1. très bonne et pertinente critique. Merci

    1 décembre 2011 à 17:49

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